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Soleil de Lumière
19 septembre 2013

Maître Morya - Partie 8 - Discussions sur le Magnétisme - H.P.B. rencontre le Takur en Angleterre

El_Morya_photo

 

Partie 8

Discussions sur le Magnétisme.

H.P.B. rencontre le Takur en Angleterre

 

 

Le Babu et Mulji nous quittèrent pour aider les domestiques à transporter nos bagages jusqu’au bac. Le reste du groupe était redevenu silencieux et tranquille, comme si « un ange passait ».Miss B. oubliant ses terreurs récentes et la chaleur, sommeillait dans la voiture et ronflait sans être dérangée.

Le Colonel allongé sur le sable, s’amusait à lancer des pierres dans l’eau. Narayan était assis immobile, les mains entourant ses genoux, plongé comme d’habitude dans la contemplation muette de Gulab-Lal- Sing.

Mr. Y. crayonnait rapidement et avec application, ne levant la tête que de temps en temps pour jeter un coup d’Tmil sur la rive opposée et fronçait les sourcils d’un air préoccupé. Le Takur continuait à fumer, et, en ce qui me concerne, je restais assise sur ma chaise pliante jusqu’à ce que mes yeux s’arrêtent sur Gulab-Sing et se fixèrent sur lui comme sous l’influence d’un charme.

« Quel est cet Hindou mystérieux ? Me demandai-je dans mes pensées incertaines. Quel est cet homme qui réunit en lui deux personnalités si distinctes : l’une extérieure, assumée pour les étrangers, pour le monde en général, et l’autre intérieure, morale et spirituelle, qui ne se montre qu’à quelques amis intimes ?

Mais ces amis intimes eux-mêmes savent-ils de lui autre chose que ce qui est généralement connu ? Et que savent-ils ?

Ils voient en lui un Hindou qui diffère très peu du reste des indigènes instruits, peut être seulement par son mépris parfait pour les conventions sociales de l’Inde et les exigences de la civilisation occidentale…Et c’est tout – à moins d’ajouter qu’il est considéré dans l’Inde centrale comme un homme suffisamment riche, et un Takur, un chef féodal de Raj, d’un Raj semblable à cent autres. Outre cela, c’est un de nos amis fidèles et il nous a offert sa protection dans notre voyage en acceptant de jouer le rôle de médiateur entre nous et les Hindous soupçonneux et peu communicatifs.

A part cela, nous ne savons absolument rien de lui. Il est vrai que j’en sais un peu plus que les autres ; mais j’ai promis le silence et je le garderai. Le peu que je sais est d’ailleurs si étrange, si peu commun qu’il semble plutôt un rêve qu’une réalité ».

Il y a longtemps, plus de vingt sept ans, je le rencontrai dans la maison d’un étranger en Angleterre, où il était venu en compagnie d’un certain prince Hindou détrôné. Notre connaissance se limita alors à deux conversations; leur caractère inattendu, leur gravité et leur sévérité produisirent sur moi une forte impression à l’époque ; mais avec le temps comme bien d’autres choses, elles furent couvertes par les eaux du Léthé et furent oubliées.

(Il est plus que probable que H.P.B. veuille dire par « un prince Hindou détrôné » Dalip-Singh, le Maharaaja détrôné de Lahore (1837-1893), qui pris le bateau en Inde le 19 avril 1854, en compagnie de son gardien, Sir John Login, et arriva à Southampton sur le SS Colombo le 18 juin 1854. Il fut présenté à la Reine le 1er juillet. Le texte du présent chapitre fut d’abord publié dans la Chronique de Moscou le 29 avril 1880. L’affirmation de H.P.B. relative à « il y a plus de vingt sept ans » paraît être à peu près correcte. Cela pointe une des premières dates où elle rencontra le maître dans son corps physique.)

Il m’écrivit en Amérique il y a environ sept ans, en me rappelant notre conversation et une certaine promesse que je lui avait faite. Maintenant nous nous étions revus aux Indes, son pays natal, et je ne pouvais m’apercevoir d’aucun changement dans son apparence malgré les longues années qui s’étaient écoulées.

J’étais toute jeune et le paraissais quand je le vis pour la première fois, mais le cours des ans n’a pas laissé que de me changer en une vieille femme.

Quand à lui, il m’avait semblé, il y a vingt sept âgé de trente ans environ, et maintenant il n’en paraissait pas plus comme si le temps eut été sans influence sur lui. Sa beauté frappante, et particulièrement sa taille formidablement haute, étaient si extraordinaires de ces jours que même la presse conservatrice de Londres fut poussée à écrire à son propos. Des journalistes, chez qui l’influence de la poésie de Byron, avec leurs plumes infatigables, firent l’éloge du « sauvage Rajpoute », bien qu’indignés par son refus excentrique d’être présenté à la Reine, ignorant le grand honneur recherché par bien des Hindous qui viennent des Indes expressément dans ce but…Ils le surnommèrent le « Raja-Misanthrope » et les cercles sociaux l’appelèrent le « Prince Jalma Samson » (le terme sanscrit jalma signifie « plein de contentement ») inventant des fables sur son compte jusqu’au jour même de son départ.

Tout ceci était bien fait pour me remplir d’une curiosité brûlante et absorber mes pensées jusqu’à me faire oublier les circonstances extérieures alors que je le regardais avec non moins d’intensité que Narayan.

Je considérai le visage remarquable de Gulab-Lal-Sing avec un sentiment mélangé de peur indescriptible et d’admiration enthousiaste, en me souvenant de la mort mystérieuse du tigre de Karli, de mon sauvetage miraculeux quelques heures plus tôt à Bagh, et d’autres incidents trop nombreux pour être relatés.

Quelques heures seulement s’étaient écoulées depuis qu’il nous avait apparu le matin même, et cependant combien d’idées étranges, de circonstances troublantes, d’énigmes même, sa présence éveillait-elle dans notre esprit !

« Que signifie cela ? », m’écriai-je intérieurement. Quel est cet être que j’ai vu il y a tant d’années, radieux de virilité et de vie, et que je revois aussi jeune et aussi plein de vie mais encore plus austère, plus incompréhensible ? Après tout, peut être celui que je vois ici est-il le frère ou le fils de celui que j’ai connu ?

Non, il est inutile d’en douter, c’est lui-même, c’est le même visage, la même petite cicatrice sur la tempe gauche. Mais il est tel qu’il était il y a un quart de siècle ; pas de rides sur ces traits d’une beauté classique ; pas un cheveu blanc dans cette crinière noir jais ; et dans ses instants de silence, la même expression de parfait repos sur ce visage calme comme une statue de bronze vivant. Quelle expression étrange et quel visage de sphinx ! »

« Voilà une comparaison qui n’est guère brillante, vieille amie, dit soudain le Takur et un rire semblait se faire jour dans ses paroles, alors que je frissonnais et rougissais comme une écolière prise en faute. Cette comparaison est si inexacte qu’elle est décidément contraire à l’histoire sur deux points.

Primo, le Sphinx est un lion ; j’en suis aussi un, comme l’indique le mot Sing de mon nom ; mais le Sphinx est ailé, et je ne le suis pas. Secundo, le Sphinx est une femme en même temps qu’elle est un lion ailé, mais les Sinhas Rajpoutes n’ont jamais rien eu d’efféminé dans leur caractère.

D’ailleurs le Sphinx est fille de la Chimère ou d’Echidna, qui n’étaient ni beaux ni bons ; de sorte que vous auriez pu choisir une comparaison plus flatteuse et moins inexacte. »

Je ne pus que soupirer, tant ma confusion était grande et Gulab-Sing se laissa aller à son hilarité, ce qui ne me consolait que médiocrement.

« Puis-je vous donner un bon conseil ? Continua-t-il d’un ton plus sérieux.

Ne vous consumez pas en des spéculations aussi vaines. Le jour où cette énigme trouvera sa solution, le Sphinx des Rajpoutes ne se précipitera pas dans les vagues de la mer ; mais, croyez-moi, l’Oedipe russe n’en profitera pas non plus. Vous connaissez déjà tous les détails que vous ne connaîtrez jamais. Laissez donc le reste à nos sorts respectifs. »Et il se leva, car le Babu et Mulji nous avaient informés que le bac était prêt à partir et nous adressait force signes et cris pour nous engager à nous hâter.

- Laissez-moi finir dit Mr.Y. J’ai presque achevé, encore un ou deux coups de pinceau.

- Voyons votre oeuvre. Laissez- nous la voir, insistèrent le Colonel et Miss X… cette dernière ayant quitté son port de refuge – la voiture- pour nous rejoindre à moitié endormie.

Nous jetâmes un coup d’oeil à sa peinture encore fraîche et ouvrîmes de grands yeux étonnés. Elle ne représentait ni un lac, ni un rivage boisé, ni les brumes veloutées du soir qui couvraient à cet instant l’île lointaine. Au lieu de ceci le tableau représentait une charmante vue marine : d’épais bouquets de majestueux palmiers dispersées sur les falaises crayeuses du littoral, un bungalow semblable à une forteresse, avec des balcons et un toit plat, un éléphant à l’entrée et un bateau indigène sur la crête d’une vague écumante.

- Mais quelle est cette vue ? demanda le Colonel rêveur. Comme s’il valait la peine de vous asseoir au soleil et de nous retarder tous pour peindre des vues de fantaisie tirées de votre imagination !

- De quoi parlez-vous ? s’écria Mr.Y…, prétendez-vous que vous ne reconnaissez pas le lac ?

- Ecoutez-le parler du lac ! Où est le lac, s’il vous plaît ? Dormiez-vous donc ?

Notre groupe était maintenant tout entier rassemblé autour du Colonel qui tenait le dessin. Narayan laissa échapper une exclamation, et resta immobile, dans une attitude de complète stupéfaction.

« Je connais cet endroit dit-il enfin. C’est Dayri-Bol, la maison de campagne du Takur-Shabib. Je la connais. L’année dernière, pendant la famine, j’y ai vécu deux mois. »

Je fus la première à saisir la signification de ce qui s’était passé, mais quelque chose m’empêcha d’en parler tout d’abord. Mr.Y…acheva de ranger ses accessoires et s’approcha de nous à sa façon habituelle et paresseuse, mais son visage montrait des signes de vexation. Il était évidemment ennuyé de notre persistance à voir une mer là où il ne devrait y avoir qu’un coin de lac.

- Maintenant cela suffit de blaguer et d’inventer. Il est temps de partir. Rendez-moi mon dessin, dit-il.

Mais, au premier coup doeil jeté sur son malencontreux croquis, son attitude changea soudain. Il devint si pâle et l’expression de son visage devint si piteusement inquiète qu’il était douloureux à voir. Il tourna et retourna le morceau de carton, puis courut comme un fou vers son carton à dessins, dont il sortit tout le contenu, dispersant sur le sable des centaines de croquis et de feuilles de papiers. Ne parvenant évidemment pas à trouver ce qu’il cherchait, il regarda à nouveau sa vue marine, et se couvrant subitement le visage de ses mains, s’écroula.

Nous restions tous silencieux, échangeant des regards d’étonnements et de pitié, sans faire attention au Takur qui se tenait sur le bateau et nous appelait en vain.

- Eh bien Y…dit simplement le bon Colonel, comme s’il se fût adressé à un enfant malade, vous souvenez-vous bien d’avoir dessiné cette vue ?

Mr Y… ne répondit pas, comme s’il reprenait ses forces et réfléchissait. Après quelques instants, il répondit d’une voix rauque et chevrotante :

- Oui, je m’en rappelle. Evidemment, j’ai fait ce croquis mais je l’ai fait d’après nature. Je n’ai peint que ce que je voyais. Et c’est cette même certitude qui m’inquiète tellement.

- Mais pourquoi seriez-vous inquiet mon cher ? Remettez-vous, ce qui est arrivé n’est ni honteux ni terrible. Ce n’est que l’influence temporaire d’une volonté dominatrice sur une autre moins puissante. Vous avez simplement agi « sous une influence biologique » pour employer l’expression du Dr.Carpenter et Crookes.

- C’est exactement ce que je crains le plus. Je me souviens de tout maintenant.

J’ai travaillé à cette vue plus d’une heure. Je l’ai aperçue dès l’instant où j’ai choisi mon sujet, et la voyant continuellement sur la rive opposée je n’ai pu soupçonner qu’il y avait quelque chose d’anormal. J’étais partiellement conscient. – ou plutôt je devrais dire que je croyais être conscient – de mettre sur papier ce que vous tous aviez devant les yeux. J’avais perdu la notion du paysage tel que je le voyais avant de commencer mon croquis et tel que je le vois maintenant…Mais comment expliquez-vous cela ? Juste au ciel, dois-je croire que ces damnés Hindous possèdent réellement ce pouvoir d’illusion ? Je vous assure Colonel, que je deviendrai fou si je ne parviens pas à comprendre tout cela.

- Ne craignez rien de ce genre, Mr.Y…dit Narayan avec un clignement triomphant des yeux vous perdez seulement le droit de nier l’existence de la Yoga Vidya, la grande science ancienne de mon pays.

Mr.Y… ne répondit pas. Il fit un effort pour se calmer et bravement s’embarqua d’un pied ferme. Puis il s’assit à l’écart, regardant avec obstination la vaste étendue d’eau environnante et s’efforçant de paraître à l’aise.

- Ma chère, me dit-elle à mi-voix en français et d’un air triomphant, Mr.Y… devient vraiment un médium de première force ! A ses heures de grande émotion, elle me parlait toujours en français.

- Cessez ces inepties, Miss X…vous savez que je ne crois pas au spiritisme. Pauvre Mr.Y…comme il a été troublé !

Après cette rebuffade de ma part et voyant que je n’entrais pas dans ces vues, Miss X… ne pensa pouvoir mieux faire que d’entreprendre le Babu qui par miracle, avait réussi à se taire jusqu’alors.

- Qui si ce n’est une âme désincarnée, l’âme désincarnée d’un grand artiste aurait pu peindre cette charmante vue ? s’exclama-t-elle en ouvrant grand la bouche.

- Qui ? Le diable en personne !répliqua de façon abrupte, le Babu. Vos compatriotes n’ont-ils pas décidé depuis longtemps que nous les Hindous nous vénérons les démons ? Un de nos dieux doit avoir jeter un sort sur Mr.Y…

Si le bac mené par les serviteurs du Takur (il n’y avait pas d’autres marins à voir), n’était pas arrivé à ce moment précis sur l’île, il y aurait eu une dispute entre eux. Heureusement nous étions en train d’amarrer et le Bengali sauta sur le rivage.

- Il est positivement malhonnête, ce nègre là ! Murmura rageusement Miss X…lui décochant cette flèche.

- Bien, ma chère, dis-je sortant avec les autres, un de ces nègres vaut dix de vos John Bulls.

(P.264-277 de la version anglaise et p 222 - 228 de la version française)

Source : K.P. Kumar

 

 

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